« Pour le fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : Vous n’en mangerez pas, vous n’y toucherez pas, sinon vous mourrez. » La tentation et le péché ont à voir avec la limite, la limite que nous avons à accepter de poser à notre volonté et à nos actes. Adam et Eve ont franchi la seule limite qu’ils avaient à respecter et ainsi le péché est entré dans le monde, et que par le péché est venue la mort. » Jésus nous montre l’art de connaître et de respecter cette limite et nous rétablit dans la paix de Dieu.
Le sens de la limite. Sous un langage symbolique, la Genèse nous livre une vérité essentielle. Ici, plus que le fruit, ce qui est important dans l’interdiction d’en manger, c’est l’interdiction elle-même. Dans ce récit, nous entrons dans la psychologie de l’homme et les conditions par lesquelles l’homme cultive et honore la vie. Dieu a tout donné mais pour signifier que cela est donné, une chose, une seule est retenue, une seule n’est pas donnée. Respecter l’interdiction de prendre ce qui n’est pas donné, c’est reconnaître que tout le reste est un don et respecter Celui qui a donné. La limite, ici volontairement anecdotique, marque le don généreux. Elle a pour objectif de maintenir le don et la loi du don. En ne respectant pas la limite, Adam et Eve ont méprisé la loi du don et détruit le don. Cette sagesse du Jardin d’Eden continue aujourd’hui. Des limites à ne pas franchir sont nécessaires pour maintenir la vie. Cela nous rappelle qu’autrui n’est pas à ma disposition, qu’autrui n’est pas un objet en mon pouvoir, que ce qui appartient à l’autre n’est pas à moi. La vie se déploie dans l’espace que je laisse libre. Le respect de cette limite libère la vie, la violation de cette limite blesse la vie.
Les tentations du Christ. Jésus est le Nouvel Adam qui vient rétablir notre humanité dans la plénitude de la vie. Les tentations qu’Il affronte au désert résument toutes les tentations de l’humanité et celles que Lui-même affronta dans son ministère public.
Transformer des pierres en pain pour répondre à sa faim. Nous avons tous rêvé de pouvoir tordre le réel à notre volonté. Les pierres peuvent devenir des outils, des murs, des sculptures, du sable, certaines peuvent être précieuses mais elles ne seront pas du pain. Découvrir et respecter la nature des choses est la première condition de la vie. La crise écologique que notre monde découvre n’est-elle pas la conséquence d’une nature que notre mode d’organisation économique ne respecte pas ?
Faire des prodiges tape-à-l’œil, des miracles de foire ! Qui n’a pas prié Dieu de faire des miracles qui l’arrangeaient et qui n’a pas cherché dans la Bible la justification de sa volonté de puissance ? Jésus nous montre que le Fils éternel n’est pas un fils-à-papa. Au contraire, le Fils demeure dans l’obéissance et l’humilité, Il accueille toute la Bible et en est l’interprète autorisé.
La gloire de ce monde ne cesse de tourner la tête des hommes : le frisson d’une gloire fût-elle passagère ou la griserie du pouvoir exercé sur autrui pour se le subordonner ou pour le détruire. Chaque fois, le pouvoir exercé pour lui-même trahit Dieu, la source de tout pouvoir. Jésus nous montre concrètement que le pouvoir ne peut bien s’exercer que selon un esprit de service et donc agenouillé devant Dieu. Combien de fois ne sommes-nous pas tentés d’user d’un pouvoir (en couple, en famille, dans l’Église, en entreprise, en société) pour notre seule satisfaction en négligeant qu’il est un instrument pour la croissance de ceux qui sont soumis à ce pouvoir ?
« Prier pour ne pas entrer en tentation. » L’actualité de l’Église nous montre des hommes, de grands hommes qui, malgré leur prière, ont succombé à la tentation. En justifiant leur faute, en appelant bien le mal, ils ont usé d’un pouvoir pour leur propre satisfaction jusqu’à pervertir la loi divine qu’ils prétendaient servir.
Dans notre discernement, il importe plus que tout de ne jamais nier la loi divine quand bien même on aurait du mal à la suivre, quand bien même on ne la suivrait pas. Un péché reste un péché, mais nier la loi qui fixe la limite et dénonce le péché, c’est s’empêcher d’en sortir un jour et blesser plus profondément encore ceux que l’on y aura enfermés.
Prier pour ne pas entrer en tentation vaut pour soi-même mais c’est aussi une mission de toute l’Église pour tous les hommes. Nous prions ensemble pour que chacun reçoive la grâce de respecter les limites qui permettent à tous de vivre et de grandir.
Que cette Eucharistie où le Christ humble et vainqueur se donne à nous, nous aide à respecter pleinement la loi de vie pour que tous ensemble nous chantions la gloire de Dieu dans les siècles des siècles.