LA BASILIQUE

Puissante miséricorde

3 nov.

« Seigneur, tu as pitié de tous les hommes, parce que tu peux tout. » Le Livre de la Sagesse unit puissance et miséricorde. L’Église confesse dans le crédo : « Je crois en Dieu, le Père tout-puissant » et l’exprime dans la liturgie comme cette oraison d’ouverture le formule : « Dieu de puissance et de miséricorde. » L’une ne tient pas sans l’autre, or nous ne les associons pas naturellement

 

« Seigneur, tu as pitié de tous les hommes, parce que tu peux tout. » Pour l’auteur du livre de la Sagesse, la pitié est un fruit de la puissance. Or notre expérience est souvent contraire et on associe puissance et dureté. Ou bien est-ce la puissance destructrice des éléments, ou bien est-ce celle des hommes qui rivalisent en pouvoir de nuisance. Chaque fois, la puissance est insensée ou ordonnée à la destruction.

Or la puissance de Dieu est tout le contraire. Elle est ordonnée et jamais insensée. Elle est puissance vitale qui se développe en miséricorde. Elle est ordonnée à la vie, structurée par l’amour comme le mystère de la Création l’exprime.

« Tu aimes en effet tout ce qui existe. » La puissance est reliée à l’amour. Dieu crée par amour et communique l’existence à ce qu’il a voulu. Du brin d’herbe à tous les systèmes solaires, des micro-organismes à chacun d’entre nous, rien de ce qui existe n’existe en dehors de l’amour de Dieu. La matière même de l’être dont le monde est façonné, c’est l’amour que Dieu a pour nous. Chacun de nous est le fruit d’une pensée de Dieu, chacun est voulu, chacun est aimé, chacun est nécessaire : c’est ainsi que B. XVI nous exprimait cette œuvre de l’amour de Dieu pour nous. « Tu n’as de répulsion envers aucune de tes œuvres, car tu n’aurais pas créé un être en ayant de la haine envers lui. » Il n’est pas simple de consentir à l’amour de Dieu pour soi. Nous confondons trop rapidement sentiment de culpabilité à la suite de nos fautes et désamour. Nous pourrions commettre tous les péchés de la terre, nous n’en demeurerions pas moins aimés de Dieu. Non pas approuvés dans nos comportements mais aimés inconditionnellement. L’Église enseigne la distinction entre la personne et ses actes. Aujourd’hui, beaucoup en viennent à désespérer de leur propre existence parce qu’ils ignorent qu’ils ont été créés par amour et qu’ils demeurent dans l’amour de Dieu malgré leurs fautes ou leurs errances. Il y a urgence à annoncer l’inconditionnalité de l’amour de Dieu.

« Zachée, descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison. » Jésus, la miséricorde personnifiée s’invite chez le pécheur. Mais notre expérience de la miséricorde est partagée entre incapacité à rétablir la justice, faiblesse et opportunisme. On ferait miséricorde faute de mieux. Les pardons collectifs (les amnisties et les prescriptions) sont ainsi motivés par des motifs d’utilité ou la nécessité plus que par la justice et l’amour.

La miséricorde de Jésus n’est pas une faiblesse qui se laisse imposer le fait accompli mais elle est conversion et recréation. La conversion transforme Zachée l’exclu en un accueillant et au lieu de percevoir pour l’Empereur, il distribuera pour le Seigneur. Zachée bénéficiaire de la miséricorde en est devenu le ministre. La vie chrétienne est généreuse en paradoxes, c’est ainsi que la miséricorde de Dieu surpasse la justice des hommes. Personne n’est jamais trop loin de Dieu qu’Il ne puisse le relever et transformer sa vie. Dieu est donc à la fois tout-puissant et miséricordieux comme le Christ nous l’a révélé par sa mort sur la Croix et par sa résurrection.

Que cette Eucharistie où le Christ descend pour demeurer chez nous nous aide à croire et à nous livrer à la toute puissance de la miséricorde.