« Souviens-toi de la longue marche que tu as faite dans le désert ; le Seigneur ton Dieu voulait t’éprouver et savoir ce que tu as dans le cœur… Il t’a fait passer par la pauvreté, il t’a fait sentir la faim, et il t’a donné à manger la manne. » Il est aisé de faire le parallèle avec la longue marche dans le désert du confinement et du dé-confinement progressif.
Quelle pauvreté avons-nous expérimentée ? Quelle faim avons-nous eu ? Et avons-nous reçu la manne qui nous était destinée ?
L’exode dans le désert était conduit par le Seigneur Lui-même, à travers la nuée. Dans la Bible, les événements sont perçus comme immédiatement dépendants de la volonté de Dieu. Aujourd’hui, l’Église confesse toujours que les événements de ce monde sont toujours dans la main de Dieu… sans toutefois abroger notre liberté et l’autonomie de la création. Dès lors, la foi nous permet de vivre notre existence dans un dialogue constant avec le Seigneur. L’événement devient un lieu de rencontre avec le Seigneur : le Seigneur a un projet pour moi. Ce que nous vivons, c’est toujours sous le regard de Dieu, avec sa grâce, en vue de l’histoire sainte qu’Il veut tisser avec chacun et avec tous les hommes ensemble.
Dieu voulait savoir ce que tu as dans le cœur. Nous ne lui apprendrons rien mais c’est à nous-mêmes, à notre propre connaissance de nous-mêmes que l’épreuve dévoile notre propre cœur.
Quelle pauvreté avons-nous endurée ? L’épreuve de l’Exode a duré 40 ans. Le peuple a eu faim et soif et s’est lassé de son nomadisme. Notre épreuve aujourd’hui doit s’entendre du confinement, du dé-confinement progressif et des difficultés économiques et sociales consécutives qui ne font que commencer.
Quelles faims avons-nous endurées ? Quelles lassitudes avons-nous exprimées ? Nous n’avons pas tous été atteints uniformément. La faim que nous avons pu éprouver fut souvent d’ordre social : selon les cas, ce fut l’impossibilité de travailler et de rencontrer ses collègues ou ses clients ; ce fut la lassitude du télétravail, le manque de vie communautaire et le manque de proximité physique dans nos relations. Il importe d’être attentifs à ce qui nous a spécialement manqué. La faim que nous avons ressentie exprime en creux notre squelette spirituel.
Quelle fut notre manne ? « Cette nourriture inconnue….qui sort de la bouche de Dieu. » Ce serait faire offense à Dieu que d’imaginer qu’Il ne nous a pas nourris durant l’épreuve. La grâce qui sort de la bouche de Dieu s’est répandue comme elle ne cesse pas de se répandre. Simplement, les canaux de distribution ont été modifiés.
J’ai noté que des couples ont trouvé dans le temps privilégié de leur confinement une force. N’était-ce pas un effet du sacrement de mariage où les époux chrétiens sont donnés l’un à l’autre comme le Christ se donne à l’Église ?
Les rediffusions d’offices religieux ont aussi permis de relayer cette grâce. Ce fut surtout par la prédication de la Parole de Dieu qu’elle fut reçue. Cette Parole est authentiquement un vecteur de grâce. Ce fut aussi par le signe de la communauté locale quand la rediffusion se faisait avec un de vos prêtre ou depuis un lieu qui vous était familier
L’Eucharistie que nous célébrons recouvre tout ce que nous avons vécu, elle n’en fut jamais absente. Pourtant, l’Eucharistie (vous) a manqué. C’est qu’elle est exemplaire et ordinaire. Exemplaire, nous avons besoin de son signe ici pour reconnaître la grâce ailleurs. Parce qu’elle cache plus qu’elle révèle, l’Eucharistie assume les épreuves de l’absence ; parce qu’elle est éminemment communautaire, l’Eucharistie rejoint toutes les solitudes ; parce qu’elle est LA nourriture spirituelle, elle irrigue tous les canaux.
L’Eucharistie est ordinaire. Elle est la manière que Dieu utilise pour nous donner sa grâce et du coup, elle assume l’ensemble des autres modalités. Ordinaire parce qu’elle nous est proportionnée à notre nature de chair et de sang comme nourriture, à notre nature d’êtres de parole comme Parole de Dieu, à notre être social comme célébration communautaire. Nous avons besoin de la célébrer pour savoir qu’elle existe (comme de la savoir célébrée) et que le don se perpétue.
Que cette Eucharistie soit aujourd’hui cette grâce qui nous permettra d’accueillir toutes les grâces.