« Vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait. » Voilà l’ambition du Christ pour nous. Cette ambition, nous sommes invités à l’accepter et à l’accueillir. Comme toute la vie chrétienne, elle est un chemin à parcourir que le Christ nous indique.
« Œil pour œil, dent pour dent. » La loi du talion nous paraît brutale et primitive, elle est pourtant l’expression d’une première justice qui vise à l’égalité entre le dommage et la réparation. Les hommes, dans leurs rapports entre eux, cherchent rarement la justice. Le premier mouvement, conscient ou inconscient, est de chercher son avantage en toute chose. Nous en sommes persuadés lorsqu’il s’agit des autres qui nous marchent sur les pieds mais c’est assez souvent notre propre cas. La loi du talion est un progrès par rapport à des pratiques toujours actuelles où un dommage subi est vengé par un plus grand dommage. Elle nous fait quitter la vengeance pour rechercher une certaine justice humaine. En proposant ensuite de transformer la réparation du dommage par une compensation économique, elle a ouvert la route à la pacification de nos relations. Toutefois, St Paul nous averti que « la sagesse de ce monde est folie devant Dieu. »
« Soyez saints, car moi, le Seigneur votre Dieu, je suis saint. » Le choix de notre référence ultime est déterminant. Dieu se rappelle à nous pour que nous nous souvenions que notre vie s’enracine en Lui. La relation que Dieu initie d’abord avec le peuple juif puis, en Jésus, avec tous les hommes, nous renvoie à la meilleure part de nous-mêmes, à notre vocation divine. En elle, s’enracine la conscience que nous avons de distinguer l’homme de sa faute. « Tu ne haïras pas ton frère dans ton cœur. Mais tu devras réprimander ton compatriote.» Il y a toujours en l’homme une dignité inaliénable que nous avons à servir les uns les autres. « Vous êtes le Temple de l’Esprit. » Réprimander son frère de sa faute est le signe que nous espérons plus et mieux de lui et que nous ne le réduisons jamais à sa faute. Renoncer à réprimander, tolérer la faute chez son frère, c’est manquer d’espérance en l’homme et de confiance en Dieu.
« Aimez vos ennemis afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux. » Le Christ pousse à son comble la révélation de l’A.T. « Soyez saints comme votre Père céleste. » Dieu n’est pas que notre Dieu, Il est notre Père. La relation qu’Il établit avec nous et nous propose de vivre avec Lui est infiniment plus profonde qu’une simple référence ou adhésion religieuse. Notre lien avec Dieu nous permet de puiser en Lui-même sa propre force et nous invite à imiter le Fils éternel. Face à la violence, face à l’injustice, face à l’ennemi, Jésus nous permet d’imiter sa réponse. Il ne s’agit pas de nier le mal car Jésus appelle ces injustices par leur nom (une gifle, un abus, un ennemi, une persécution) – et nous devons nommer chaque fois le mal par son nom – mais de le dépasser. Le mal n’est pas effacé par la seule justice mais par l’amour et la miséricorde qui révèlent aux méchants leur propre dignité d’enfants de Dieu. Ce n’est pas la justice qui a transformé le monde mais la miséricorde. Ce que Jésus a accompli de manière fondamentale par le don de sa vie sur la Croix, nous pouvons le poursuivre en appliquant cette miséricorde aux injustices que nous rencontrons et à la mesure où nous imitons le Christ en répandant sa miséricorde sur les injustices dont nous souffrons, nous progressons dans cette perfection d’enfants de Dieu.
Que cette Eucharistie où nous contemplons le Fils Eternel nous donne de passer de la seule justice humaine à la miséricorde divine qui sera notre joie dans les siècles des siècles.