Le soir du 24 décembre l’an 0 la chorale des anges se rendait dans une petite ville de Judée, appelée Bethlehem. Installés confortablement dans des compartiments de NGV (Nuage-Grande-Vitesse), soulagés qu’aucun syndicat n’ait déposé de préavis grève ces jours-ci, les anges révisaient leurs partitions.
L’un d’eux ressortit ce nouveau chant intitulé « Gloire à Dieu au plus haut des Cieux » que l’ange Gabriel s’était acharné à leur faire répéter la veille. Les paroles l’interpelaient. Il ne résista pas à l’envie de faire partager sa perplexité :
« Mes amis, demanda-t-il aux autres anges, avez vous prêté attention à la deuxième phrase du nouveau cantique : paix sur la terre aux hommes qu’Il aime ? Comment les
hommes peuvent-il connaître la paix alors qu’ils ne croient pas en Dieu, s’interrogea-t-il ? Combien de fois notre Seigneur leur a-t-il envoyé ses prophètes ? Combien de fois nous a-t-il chargé nous-mêmes de parler aux hommes et de leur apprendre qu’Il existe et qu’Il les aime ? Et quelle conséquence ? Les hommes continuent de vivre comme si Dieu n’existait pas. Ils pensent que le monde s’est fait tout seul. Ils ignorent le but de leur vie. Ils vivent comme s’ils ne devaient pas mourir et meurent comme s’ils n’avaient pas vécu. Quand il leur arrive de bonnes choses, ils attribuent cela au hasard ou à la bonne étoile… Le seul moment où ils
cherchent vraiment Dieu, c’est dans la détresse, lorsque tous les autres recours sont épuisés, et en général ils finissent par l’accuser d’être la cause de leurs maux… Non vraiment, comment pourraient-ils connaître la paix en vivant ainsi ? Si seulement ils pouvaient, comme nous, goûter à la présence de Dieu. Alors, je crois que leur foi deviendrait aussi forte que celle des archanges. Là, ils ressentiraient vraiment la paix. L’un des archanges, assis à côté de lui, répondit : « Tu sais, il y en a quand-même
beaucoup qui croient en Dieu, ou, en tout cas, qui essaient de croire et de Le chercher. Mais le problème des hommes, mon ami, c’est qu’ils ne sont pas fidèles. Tu parlais de la détresse : quand notre Dieu les en délivre, crois-tu qu’ils pensent au moins Lui dire merci et changer leur vie ? Même pas ! Ils ont été souvent éduqués dans la foi par leurs parents ou leurs grands-parents, mais ils dilapident vite cet héritage précieux prétextant le manque de temps ou craignant d’être moqués par le monde qui les entoure. Ils finissent toujours par se créer leur propre dieu qui prend souvent la forme de l’argent, du pouvoir ou du plaisir. Ils en deviennent
même esclaves et, pour lui, sont prêts à trahir leurs proches, détruire leurs familles. Et s’ils se comportent ainsi avec leurs semblables qu’ils voient, comment veux-tu qu’ils restent fidèles à Celui qu’ils ne voient pas. Si seulement ils pouvaient, comme nous, connaître la fidélité de Dieu. Savoir qu’Il n’abandonne jamais personne, savoir combien ils sont uniques et précieux aux yeux du Seigneur. Alors là, ils lui seraient fidèles toute leur vie, et cette fidélité serait, je
crois, aussi forte que celle des Chérubins.
L’un des Chérubins, qui écoutait attentivement la conversation, leur répondit :
« Comment peuvent-ils rester fidèles sans l’amour qui fait naître la fidélité ? Mes amis, le problème des hommes c’est qu’ils n’aiment pas Dieu. Bien sûr, ils essaient de l’aimer. Mais en vérité, ils l’aiment d’un amour intéressé. Ils veulent qu’Il les bénisse, qu’Il bénisse leur vie et leur travail. Ils apprécient ses grâces. Mais ils ne l’aiment pas pour Lui-même. Par conséquent en temps difficile, ils ne Lui restent pas fidèles et sont souvent tentés de se tourner
vers leurs idoles espérant ainsi obtenir un bienfait immédiat quelconque qui ne durera pas et laissera un goût amer. Regardez comment ils vivent en couple : lesquels ont pu garder la fidélité sans amour ? Lesquelles ont pu durer sans un amour véritable, désintéressé ? En même temps, comment pouvons-nous leur en vouloir ? S’ils n’aiment pas, c’est parce que personne ne leur a appris à aimer jusqu’au bout… Si seulement ils savaient combien ils sont aimés de Dieu. Combien son amour envers eux est fort et immense. Si seulement ils savaient que Dieu est prêt à donner sa vie pour chacun d’entre eux sans rien demander en retour, alors, je crois, que leur amour deviendrait aussi ardent que celui de Séraphins. Là, ils Lui seraient fidèles dans la foi et demeureraient dans la paix véritable »…
Conversant ainsi au sujet des hommes, les anges arrivèrent à destination. A présent ils flottaient dans les aires au dessus d’une étable. A l’intérieur, plein de monde venu d’on ne sais où : ils aperçurent des bergers, un couple qui s’appelait Marie et Joseph, et au milieu, dans une mangeoire, ils n’arrivaient pas à y croire, les anges contemplaient avec stupéfaction leur Seigneur et leur Dieu Fait-Homme, venu dans le monde comme un petit Enfant. L’ange Gabriel s’adressa à toute la troupe : « Et bien, mes amis, voici Celui qui est venu dans le monde pour que désormais nos frères les hommes ne doutent plus de Lui.
Maintenant ils sauront que Dieu les aima le premier. C’est Lui-même qui leur apprendra à aimer comme jamais personne n’a aimé. Puissent-ils rester toujours fidèles à son Amour pour que la paix règne à jamais dans leur cœur. Allez, ressortez vite vos partitions et chantons ensemble à pleines voix : « Gloire à Dieu au plus haut des Cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’Il aime » !