« Seigneur tout-puissant et miséricordieux, ne laisse pas le souci de nos tâches présentes entraver notre marche à la rencontre de ton Fils ; mais éveille en nous cette intelligence du cœur qui nous prépare à l’accueillir et nous fait entrer dans sa propre vie. » L’oraison d’ouverture prononcée par le prêtre au nom de l’assemblée nous aide à exprimer avec justesse notre prière.
« Ne laisse pas le souci de nos tâches présentes entraver notre marche à la rencontre de ton Fils. » Dans les dangers qui nous guettent, « le souci de nos tâches présentes » n’est pas le moindre. Ici Nos tâches présentes sont celles qui nous absorbent excessivement. C’est bien sûr un travail trop prenant, un trop grand nombre d’activité qu’une vitalité permet, ce peut être aussi le souci d’un présent lourd à porter comme la faiblesse ou la maladie. C’est un présent qui s’impose. Un présent trop présent. Un présent qui efface le passé et le chemin parcouru, qui semble effacer la mémoire des événements qui nous ont construits. Un présent qui gomme aussi l’avenir. Le nez tellement dans le guidon que cela empêche de relever la tête vers la rencontre qui nous est promise avec le Fils éternel, un présent qui interdit le regard sur l’Eternel. Ce présent-là devient un écran et dès lors il nous détourne de l’essentiel. St Ignace de Loyola exprimait ainsi l’essentiel : « L’homme est créé pour louer, respecter et servir Dieu notre Seigneur et par là sauver son âme, et les autres choses sur la face de la terre sont créées pour l’homme, et pour l’aider dans la poursuite de la fin pour laquelle il est créé. D’où il suit que l’homme doit user de ces choses dans la mesure où elles l’aident pour sa fin et qu’il doit s’en dégager dans la mesure où elles sont, pour lui, un obstacle à cette fin. »
« Eveille en nous cette intelligence du cœur qui nous prépare à l’accueillir. » Il s’agit d’une grâce que nous demandons à Dieu de réaliser en nous : Qu’Il éveille en nous cette intelligence. Si l’Église nous renvoie à nos responsabilités de conversion et de changement dans nos vies, elle confesse que sans la grâce de Dieu rien ne peut se faire. « Sans moi, vous ne pouvez rien faire », nous prévenait Jésus. Non pas pour nous empêcher d’être ou d’agir mais au contraire pour nous le permettre efficacement. Nous avons à demander sans cesse la grâce pour soi comme pour les autres. L’intelligence du cœur est cette compréhension aimante de la volonté de Dieu. Intelligence car pénétration des raisons et des projets divins et du cœur car elle établit une confiance aimante qui transforme tout.
« Entrer dans la vie du Fils. » Jésus nous précède comme Fils unique et nous permet de l’être à notre tour. Nous sommes appelés à être fils dans le Fils. Entrer dans la vie du Fils réclame d’entrer dans la vie de fils. En tournant nos regards vers l’avènement du Fils éternel, nous sommes provoqués notre propre engendrement, à prendre conscience que nous nous recevons de Dieu et que nous sommes appelés à vivre notre existence dans l’action de grâce que Jésus a Lui-même vécue. « Tout est grâce » disait Ste Thérèse sur son lit de malade. Dès que nous recevons toute notre vie comme de la main de Dieu et que nous lui retournons tout ce que nous sommes dans l’action de grâce, nous sommes dans l’attitude filiale de Jésus et « Tout contribue au bien de ceux qui aiment Dieu » rappelle St Paul.
Entrer dans notre vie de fils est la prophétie de la promesse que Dieu nous fait. Nous avons notre but dans une communion de joie et de vie qu’Il nous promet, où Dieu, comme dans le Christ Jésus, sera « tout en tous. »
Que cette Eucharistie, où nous est manifestée cette dynamique filiale, nous aide à accueillir ce projet divin et nous y dispose pleinement.