« Femme, grande est ta foi, que tout se passe pour toi comme tu le veux ! » Ce n’était pas gagné ! Jésus a peu à peu élargi son ministère des brebis perdues d’Israël à tous les peuples. Cela nous enseigne deux choses : sur Jésus et la conscience qu’Il a de sa mission et sur cette mission elle-même qui va de l’Orient à l’Occident ?
« Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël. » Le Christ déploie son ministère dans une conscience progressive. Il serait illusoire d’imaginer le Christ avec une conscience immédiate et parfaite de la mission qui lui incombait. C’est en fréquentant les Ecritures, en priant, en réagissant aux événements que Jésus découvre les contours de sa Mission. Le Messie est d’abord le Messie d’Israël et cet exclusivisme est porté par Jésus : « Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens. » Mais, peu à peu, ses rencontres comme son sentiment intérieur Lui font donner à son ministère les dimensions les plus larges. On viendra de l’Orient et de l’Occident prendre place au festin dans le Royaume de Dieu. » Cet élargissement n’est pas un reniement de l’enracinement juif du Messie et de la Mission, au contraire, c’est l’apport à l’humanité tout entière du privilège d’Israël. Et il faut toujours se méfier des oppositions que certains font entre l’Ancien et le Nouveau Testament. Cet élargissement est déjà en germe comme une promesse dans l’Ancien Testament comme nous l’entendons avec Isaïe. L’un ne va pas sans l’autre.
« Femme, grande est ta foi. » Le passage de l’Ancien au Nouveau Testament est le passage de l’observance de la Loi à l’affirmation de la Foi. Le privilège d’Israël s’exprimait par l’observance des prescriptions de la Loi de Moïse. C’est d’abord par amour de Dieu qu’Israël observait (et observe encore) ces prescriptions mais le propre de l’observance des prescriptions est de se complexifier sans cesse et de perdre en juridisme. Nous en faisons aujourd’hui l’expérience avec des normes sanitaires. La foi initiale, celle d’Abraham, celle de Moïse, se perd en pointillisme juridique, le pharisaïsme.
Comme étrangère à Israël, la Cananéenne est libre de cette perversion spirituelle. Comme mère, elle est préoccupée de sa fille et reconnaît en Jésus Celui qui peut sauver sa fille. Comme femme, signe de l’humanité tout entière, Elle le Lui dit, elle le Lui demande car elle croit qu’Il est capable de sauver. Voilà la grande foi de cette femme.
L’Église est la « Maison de prière pour tous les peuples. » Cette expression d’Isaïe se trouve réalisée dans l’Église. L’Église est le projet de salut de Dieu pour ce monde, « signe et instrument de l’union intime avec Dieu et de tout le genre humain. » Le signe, c’est à dire que l’Église à travers ce qu’elle montre d’elle-même, par sa foi, en étant composée d’une grande diversité de peuple, en unissant les hommes par delà le temps, par delà leurs cultures, en célébrant le culte qui est dû à Dieu, elle annonce une réalisation future d’elle-même. Elle est l’instrument, c’est-à-dire, que par sa prédication, par sa prière et le privilège de la grâce, par le soin qu’elle prend de l’humanité, l’Église est, dans les mains de Dieu, le moyen qui fait avancer cette union, le moyen qui offre cette « Maison de prière pour tous les peuples. »
Que cette Eucharistie, où Jésus attend notre acte de foi, nous fasse élargir notre regard sur l’Église pour que nous invitions tous les hommes à rejoindre cette Maison de prière pour tous les peuples afin de chanter ensemble la gloire de Dieu maintenant et dans les siècles des siècles.