Chers frères et sœurs,
Depuis des siècles, le tympan de la porte Miégeville, le plus ancien tympan historié et attesté de France, raconte l’Ascension du Christ aux pèlerins qui viennent à la basilique Saint-Sernin. Magnifiquement sculptée dans la pierre, la scène est d’une extraordinaire simplicité. Deux anges emportent notre Seigneur Jésus Christ vers le Ciel. Quatre autres acclament déjà son entrée triomphale dans la gloire du Père. Sous le linteau, les douze apôtres, la tête tournée vers le Ciel, une main levée en signe d’adieu, incrédules, contemplent la scène. Le regard attentif révélera une nette différence entre l’expression de joie sur le visage des anges et l’apparente perplexité sur celui des apôtres. « Pourquoi, Seigneur ? Pourquoi nous quittes-tu ? », devait probablement être la question qui tourmentait leur esprit.
Il se peut qu’aujourd’hui encore, cette même question vienne sur nos lèvres : « Pourquoi, Seigneur ? Pourquoi n’es tu pas resté parmi nous ? Le monde serait tellement plus beau, plus simple, plus paisible si tu avais décidé d’y demeurer. En quoi et-ce notre avantage que tu t’en ailles comme tu n’as cessé de le dire à tes disciples ? ».
Plusieurs siècles avant nous, saint Thomas d’Aquin, s’interrogeait lui aussi. Dans la Somme de Théologie, il répond de la manière suivante : « Il est vrai, que l’Ascension du Christ nous a privés de sa présence corporelle. Mais, accentue-t-il, elle nous a été plus utile que ne l’aurait été cette présence elle-même ». Selon saint Thomas, il y a quatre raisons pour affirmer que l’Ascension du Christ nous a été extrêmement bénéfique :
Première raison : L’Ascension du Christ augmente notre foi, qui a pour objet ce qu’on ne voit pas. En effet, si le Christ vivait parmi nous, personne n’aurait besoin de croire en lui. Comme personne de nos jours n’a besoin de croire que l’Amérique existe. On le sait. C’est tout. Mais quand on sait, on n’a pas le mérite qui provient de la foi. La foi au contraire repose sur la confiance en l’amour du Seigneur parce qu’il est bon. C’est cette foi confiante qui fait pencher son cœur vers le nôtre. Souvenons-nous de ce qu’il disait : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu ».
Deuxième raison : L’Ascension du Christ relève notre espérance. Le Seigneur lui-même avait dit : « Quand je serai parti vous préparer une place, je reviendrai et je vous emmènerai auprès de moi, afin que là où je suis, vous soyez, vous aussi ». Son Ascension nous rappelle que notre espérance ne doit jamais se limiter aux désirs terrestres. Rien de ce qui nous entoure n’a le pouvoir de nous combler. Notre véritable patrie – c’est le Ciel, où le Père nous attend. Avec l’Ascension du Christ nous sommes capables de désirer et d’espérer l’infini.
Troisième raison : L’Ascension du Christ dirige vers les réalités célestes l’affection de notre charité. Le Seigneur avait dit « là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur ». C’est avant tout vers le Ciel, où demeure le trésor de notre âme, que nous élevons donc nos cœurs, pour qu’ils s’unissent au Cœur de notre Seigneur. Nous sommes ainsi capables de discerner la grâce divine présente dans notre monde, d’aimer l’Eglise parce qu’elle est le Corps du Christ, d’aimer nos frères en qui nous reconnaissons le visage du Christ.
Quatrième raison : Puisque le Christ est ressuscité pour la vie éternelle, il lui convenait d’être dans un lieu céleste, digne de sa divinité. Un peu comme il convient que le roi habite dans un palais. Non que le Seigneur dénigre notre monde. Simplement demeurant au Ciel, il peut être réellement et immédiatement présent auprès de quiconque lui ouvre son cœur et qui l’accepte dans la sainte Eucharistie.
Enfin, même si saint Thomas n’en parle pas, moi, je vois aussi une cinquième raison : s’il n’y avait pas eu de l’Ascension du Christ, on n’aurait pas eu ce long week-end apprécié même par ceux qui ne sont pas croyants.
Sur le tympan de la porte Miégeville, sous le linteau, deux anges entourent les apôtres. L’un indique le rouleau de parchemin, l’autre, le doit pointé sur les apôtres, a la tête tournée vers l’ouest. Comme s’ils voulaient dire aux disciples d’antan et d’aujourd’hui : « Pourquoi fixer vos regards sur le nuées. Le Seigneur reviendra dans la gloire de la même façon qu’il est monté au Ciel. En attendant, cherchez-le à travers les Écritures et n’oubliez pas la mission qu’il vous a confiée ! Proclamez donc l’Evangile à toute la création, soyez ses témoins ! Et si son départ vous attriste, il vous suffira de rendre le Ciel présent dans vos cœurs pour ne plus jamais être séparés de lui. L’Esprit Saint vous l’enseignera ! ».
Amen.
P. Bogdan Velyanyk
Curé paroissial